Moofo.com : Beware of Moofo

J’ai attendu et hésité longtemps avant de faire une critique de l’album. Premièrement parce que plusieurs personnes en ont fait une avant moi, et aussi parce que le “Pierre Lapointe bashing” semble avoir pris une place assez grande sur la blogosphère même si je crois que ce n’est pas justifié.

Prologue

Cet album est probablement l’album francophone qui a été le plus attendu du public depuis la sortie du premier de ce prodige. Le temps entre les deux “opus” est totalement justifié à en juger à la qualité du travail de l’artiste.

J’ai un bon “background” considérant que j’ai vu non moins de 3 spectacles de l’artiste, dont celui des Francofolies de 2005 (appelé Pépiphonique). Je peux vous dire que l’album est énormément basé sur ses performances sur scènes, avec des exceptions notables. (Voir à la fin)

Le premier album avait un style de musique “propre”, trop propre voir stérile par moments. Cet album nous a quand même fait découvrir le parolier et le style de “contes” que l’artiste préconise. Il avait également des thèmes très récurrents et se voulait plus ou moins pervers et provocateur.

Le nouvel album nous fait découvrir beaucoup plus le pianiste et l’instrumentiste à mon avis. Les textes, tout en étant profonds, sont plus neutres, plus doux, tout en étant beaucoup plus actuel. Le tableau impressionniste peint par les diverses chansons est beaucoup plus subtil que le premier album.

Les deux albums ne se comparent pas. Je persiste à penser que le premier demeurera une grosse pierre angulaire de la musique francophone. Ce disque est je dirais beaucoup plus accessible que le premier; Il est relativement facile à aimer comparé au premier. Ça ne lui enlève rien de sa profondeur, sa subtilité et sa grande créativité. On pourrait même dire ici que compte tenu de ses chansons d’ouverture et de fermeture, c’est le “Sgt. Pepper” de l’artiste.

Les “riffs” de guitare électrique et le clavier ont une place plus grande, mais les mélodies sont là. Côté paroles, on voit qu’un style global n’a pas été appliqué sur l’album comme sur le premier. La variété des genres est extraordinaire. On voit que son expérimentation sur scène a porté fruit.

Le Mystère (notez la majuscule) plane toujours un peu sur le personnage, mais moins qu’auparavant. Le rôle du petit chanteur baveux et imbu de lui-même est moins fort qu’avant. Il a joué si bien son rôle à ses débuts que plusieurs personnes croyaient qu’il était vraiment comme ça dans la vraie vie.

Avant de commencer la critique par chansons, je me permets de faire un commentaire qui j’espère sera entendu. Avant le premier disque, il y a eu un disque de “Démo” qui fut pressé en très petite quantité. Ce disque est maintenant introuvable et le triste de l’histoire, c’est qu’il contenait des chansons que l’on a entendu fréquemment en spectacles (“Petite Fille Laide” et “La boutique fantastique” entre autres) et un style incroyable. Ce disque est maintenant introuvable et je crois qu’il serait intéressant d’en presser de nouvelles copies…

Si un lecteur est en possession du disque, et veut le vendre, je suis prêt à payer un prix obscène pour l’obtenir (Un original, bien entendu)

Le disque par chansons

Dans la Forêt des Mal-Aimés
Les aficionados reconnaîtront la chanson d’ouverture de ses spectacles. C’est une chanson avec un style particulier par ses back vocals, le clavecin, et les scratch de vinyle. L’ouverture avec les bruits de forêt est un peu “cheesy” à mon goût, mais somme toutes c’est assez fidèle à la version en spectacle. Ça sonne un peu début d’opéra rock.

Deux par deux rassemblés
Inédite, jamais présentée en spectacle. Cette chanson est la plus commerciale après le single éponyme. L’instrumentation est un peu trop simple à mon goût, mais cette chanson se retrouve un peu plus accessible. Le video est disponible Ici…

Le Lion Imberbe
À ma connaissance, elle n’a que joué qu’à pépiphonique à la place des arts en 2005 durant les Francofolies. L’arrangement est simple, pratiquement piano voix, sur un fond d’impuretés sur Vinyle. C’est une chanson assez progressive, finissant d’une façon assez puissante, tout en demeurant dans les instruments du début. J’attendais cette chanson depuis tout ce temps et cela fut un grand soulagement de la voir sur disque…

25-1-14-14
Pièce instrumentale, jouée fréquemment dans les spectacles. On y voit clairement le talent de l’artiste au piano et à la composition classique. Les notes de piano sont un peu modifiées par moments et l’effet est assez chaleureux et donne un air vieillot, triste à toute la chanson. Elle a le grade d’être une scène de film. Trop structurée pour être comparé à du Preisner, mais pas assez pour être comparé a Georges Winston.

Qu’en est-il de la chance ?
On a entendu ça en spectacles de temps en temps, du moins dans le dernier que j’ai vu. L’atmosphère générale rappelle Aznavour.

L’endomètre Rebelle
Une merveille. Inédite. Un fond de violon et de piano harmonieux pour commencer. Une pause et la chanson change de style complètement. Le rythme augmente, et la batterie devient plus proéminente avec la guitare électrique. La chanson est douce dans son genre, mais la pression monte constamment, rapidement… La fin est digne des musiques classiques de Wagner qui glisse doucement vers un rythme de berceuse. Ça ne se compare pas à rien que j’ai pu entendre auparavant. L’arrangement est évidemment très “poli” ici.

Tous les visages
Inédite, jamais présentée en spectacle. Cette chanson en Piano voix, avec ses paroles profondes et la voix du chanteur en double parfois dans le fond est un bon exemple des arrangements complexes dont l’Artiste est capable.

Moi je t’aimerai
Inédite, jamais présentée en spectacle, cette chanson a le même genre qu’un requiem. Un piano omniprésent, un son que je qualifierai de “hantant” et noir. Le genre de parole et de musique et reminiscent de Brel quelque peu.

Nous n’iront pas
Entendue en spectacle. Un son un peu “Gospel” avec les mêmes genres de back vocals que la première chanson, mais plus prononcé. Ça a un petit genre de musique de Noël (!) avec les pizzicatos, mais tout de même intéressant.

Au 27 100 rue des Partances
Entendue en spectacle. Une ballade, structurée par un solo de piano- violon. C’est tendre et candide. Ça me rappelle mon enfance. Un style très classique, voir même de Musique de chambre.

Au nom des cieux galvanisés
Une entrée de Glockenspiel et des paroles tirées carrément d’un choeur digne d’une église, ou du film de Moise, ça change bout pour bout pour quelque chose Gospel-Country au rythme très enjoué.C’est clairement un des tubes de l’album et je suis surpris qu’il ne tourne pas encore à la radio.

25-1-14-14-16
une pièce instrumentale, inédite a mon souvenir. Pas aussi bonne que 25-1-14-14 mais les variations sont intéressantes.

L’équipage
Entendue à Pépiphonique. Le piano a par moments des airs de Yanni, très structuré et puissant.

De Glace
De la contrebasse aux airs de Jorane, l’ambiance générale qui rappelle Claude Léveillé, c’est une pièce d’une profondeur incroyable, ça vient nous chercher.

Au pays des fleurs de la transe
Celle-là est de loin ma chanson préférée et la plus élaborée de l’album, souvent entendue lors de la fermeture des spectacles. C’est une joie de pouvoir l’entendre sur disque. L’intro est notablement plus courte qu’en spectacle, mais la chanson elle-même est d’une complexité, d’une profondeur et d’une créativité spectaculaire. Je pourrais même dire que c’est ma chanson favorite de tous les disques de l’artiste.

La Toune cachée
L’artiste, dans son infinie sagesse et son grand souci de nous faire chier, a encore une fois mis une “chanson” cachée à la fin de l’album… Encore après plusieurs minutes de Quasi-Silence. C’est loin d’être aussi spectaculaire que celle du premier, mais c’est une des chansons des spectacles qu’il a fait auparavant.

Colophon
La variété de styles qui affiches les vraies couleurs de l’artiste, la grande profondeur des paroles, arrangements et musique en font un album extraordinaire. Quand on compare Pierre Lapointe aux grands de la musique française, on a bien raison. il n’a rien à envier à Brel, Brassens, Ferré voir même Aznavour et Léveillé. Il insuffle une nouvelle vie à la musique Québécoise-Francophone qui était depuis un bout de temps un peu trop encombrée de “One Hit Wonder” (Lire ici “Wilfred le Bouthiller”).

Cet album en est un moins radical que le premier, mais je crois tout de même que dans 20 ans, 30 ans, il aura encore une place, les mélodies et une vivacité assez grande pour attirer l’attention de la nouvelle génération. Ce que l’on a ici n’est pas un artiste ordinaire. Il pige dans le passé et dans ses idées pour créer des chansons comme les grands d’il y a 20 ans savaient si bien le faire.

C’est une bonne chose que les radios le diffusent, mais elles se sont fait forcer la main. L’endroit qui rend le mieux justice à son travail est certainement la scène et je vous invite tous à aller le voir au moins une fois. Attention toutefois, c’est une drogue.

Son récent passage en France m’inquiète profondément. On y a perdu Diane Tell, Lynda Lemay et plusieurs autres qui se sont mis à négliger le pays qui les a mis au monde après quelques passage là-bas. J’ose espérer qu’il nous graciera de sa présence ici pour les années à venir.

Cet album, tout comme le premier, est exactement comme lui le commente lors de ses spectacles: “Si vous ne l’avez pas encore, je me demande comment vous faites pour vivre !”. Le seul commentaire “négatif” que j’ai ce sont les exceptions notables aux chansons qu’il a fait sur scène qui auraient été très bienvenues. Ainsi “Marie Eiffel” et “Encerclé” ne sont pas là, et au dire du chanteur, elles ne seront jamais endisquées. Aussi, quoi que le style de l’album ne l’aurait pas permis, il aurait été cool que “Les Boites à Gogo” de Michèle Richard, “Sans aucun prétexte” de France Gall et “Au suivant” de Brel y ait une place car il les a interprétés avec un grand brio lors des spectacles que j’ai eu le bonheur de voir.

Le disque est doté de la technologie “OpenDisc” donc peut-être que ces chansons se retrouveront dans les extras sur internet a un certain point. Mais a ma dernière visite, le site d’openDisc ne servait à rien, peut-être mis a part ramasser nos coordonnées 🙁  Notons toutefois qu’un enregistrement non-officiel au Petit Champlain possède la plupart de ces tounes “inédites”

Edit: J’ai corrigé quelques fautes et redondance dans l’article. Cet article est linké sur wikipedia…

This entry was posted on Thursday, May 4th, 2006 at 11:15 am and is filed under Musique. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.